Épinard 🌳 #24 - Et si on avait dĂ©jĂ  l’argent de la transition ?

16 juil. 23

Hello les Épinards 🌳 !

Aujourd’hui, on va prendre un pas de recul par rapport Ă  nos analyses habituelles sur les secteurs qui feront la transition de demain et Ă  nos sĂ©lections d’investissements Ă  impact.

Pour aller vers un thĂšme plus macro : le financement mondial de la transition.

Un coût exorbitant, inabsorbable pour les finances publiques : pour les critiques, financer la transition à hauteur des estimations viendrait détruire notre capacité à innover ou à créer de la richesse et du progrÚs.

RĂ©cemment, un post nous a intriguĂ© tous les deux Ă  quelques jours d’écart ; un message d’Eva Sadoun (l’entrepreneuse derriĂšre Lita.co) qui relayait une Ă©tude de la Banque Mondiale sur l’impact des subventions et analysait en dĂ©tail 3 secteurs : les Ă©nergies fossiles, l’agriculture et la pĂȘche.

La conclusion ?

Via les subventions publiques, on envoie collectivement un “pognon de dingue” dans des activitĂ©s qui ruinent la planĂšte et ralentissent la transition.

Or le montant des subventions aux activités délétÚres est sensiblement équivalent aux besoins de financements pour la transition.

Du coup, comme on adore les grands rapports, les ordres de grandeur et les questions fondamentales (mais surtout, qu’on vous aime tellement qu’on veut vous Ă©pargner les 300 pages de la Banque Mondiale), on vous partage la synthĂšse de nos enseignements sur le sujet.

Vous allez voir, certains passages semblent plus proches d’un plaidoyer de Greenpeace ou d’un discours des SoulĂšvements de la Terre que de revendications des plus grandes institutions capitalistes mondiales. On a parfois Ă©carquillĂ© les yeux tellement on n’est pas habituĂ©. ☀

C'est parti !


La transition, combien ça coûte ?

En un mot : cher.

En 2 mots : bien cher.

Les estimations sont évidemment trÚs difficiles sur un périmÚtre aussi large, mais on a eu ces derniÚres années quelques tentatives de qualité.

🌍 Le dernier rapport du GIEC, par exemple, a proposĂ© une fourchette du coĂ»t Ă  l’échelle mondiale, qu’il situait entre 2 200 et 4 200 milliards de dollars par an.

Entre 2.3 et 4.4% du PIB mondial.

(On est plus sur une fourche qu’une fourchette à ce stade.)

đŸ‡«đŸ‡· En France, un rapport rĂ©cent de Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz commandĂ© par le gouvernement a chiffrĂ© l’effort pour tenir les objectifs europĂ©ens de rĂ©duction de gaz Ă  effet de serre Ă  horizon 2030 (-55% par rapport Ă  1990).

Résultat : 67 milliards par an, environ 2.5% du PIB français.

À titre de comparaison, le coĂ»t de la crise du Covid pour les finances publiques en France a Ă©tĂ© estimĂ© Ă  140 Milliards par le gouvernement = environ 2% du PIB par an sur la pĂ©riode 2020 - dĂ©but 2022. L'ordre de grandeur est proche : la transition, ce serait donc un grand “quoi qu’il en coĂ»te” permanent.

Les estimations, exprimĂ©es en % de PIB, sont assez cohĂ©rentes entre elles. Et s’accompagnent toutes du mĂȘme commentaire : c’est cher aujourd’hui, mais ce sera plus cher demain si on laisse s’échapper la possibilitĂ© de contenir le rĂ©chauffement climatique global Ă  1,5 - et surtout - Ă  2 degrĂ©s.

Subventions “brunes” vs. Transition “verte” : les impĂŽts financent les Ă©nergies fossiles

« On dit qu'il n'y a pas d'argent pour le climat, mais il y en a, il est juste aux mauvais endroits. Â»
Axel van Trotsenburg, directeur gĂ©nĂ©ral senior de la Banque mondiale - qui n’a pas dĂ» se faire que des copains dans ce rapport.

L’étude de la Banque Mondiale, mentionnĂ©e par Eva Sadoun, liste et estime les montants des subventions publiques aux activitĂ©s les plus polluantes ou destructrices de l’environnement : les subventions dites “brunes”.

3 secteurs étaient analysés :

  • Les Ă©nergies fossiles (pĂ©trole, gaz, charbon)
  • L’agriculture conventionnelle
  • La pĂȘche intensive

Leur résultat ?

  • 1 250 milliards de $ par an en dĂ©penses publiques directes : l’argent des gouvernements
  • 7 250 Ă  12 050 milliards de $ par an, si on y ajoute les subventions “implicites” (par exemple les coĂ»ts pour dĂ©polluer, les dĂ©penses de santĂ© induites par la pollution atmosphĂ©rique ou pour limiter les effets du changement climatique)

Subventions vs Coût de la transition : déshabiller Paul pour habiller Jacques ?

Le résultat est marquant, car il place le coût de la transition dans la fourchette des subventions existantes.

Il laisse Ă  penser que l’argent est dĂ©jĂ  lĂ  ; qu’il suffirait de le flĂ©cher diffĂ©remment.

Pas besoin de “nouvel argent”, vraiment ?

« Si nous pouvions réutiliser les milliers de milliards de dollars dépensés en subventions inutiles et s'en servir à des fins meilleures et plus vertes, nous pourrions relever bon nombre des défis les plus urgents de la planÚte. »
Toujours Axel, Ă©pisode 2

Pas faux, mĂȘme si ce n’est pas (si) simple.

Pour s’en convaincre, il est utile de regarder ce qui se cache derriùre les “subventions”.

  • Dans le cas du pĂ©trole, du gaz et du charbon, ce sont principalement des aides qui ont servi Ă  abaisser artificiellement le prix pour le consommateur final.
  • Dans l’agriculture, il y a des subventions aux intrants, mais lĂ  aussi, une large partie permet de soutenir les cours de certains produits agricoles.

C’est une rĂ©alitĂ© : nos sociĂ©tĂ©s, dĂ©pendantes de ces produits, ont besoin d’ĂȘtre protĂ©gĂ©es de la volatilitĂ© des cours sous risque d’embrasement social.
On peut contester le montant du bouclier tarifaire sur les prix de l’électricitĂ© et du gaz (plusieurs dizaines de milliards par an, on y revient), mais il Ă©tait socialement inacceptable de ne pas le mettre en place - mĂȘme si c'Ă©tait pour financer au mĂȘme moment et dans les mĂȘmes proportions des parcs Ă©oliens ou solaires.

Le montant des subventions illustre un fléchage insuffisant.

Si nous sommes condamnés à court terme à subventionner les énergies fossiles, ce sont le montant et la vitesse de réallocation des subventions qui posent question.

La France est d'ailleurs un exemple hyper intéressant.

En 2023, les finances publiques prĂ©voient de financer Ă  hauteur de 45 milliards d’euros les Ă©nergies fossiles - via le “bouclier tarifaire” qui limite artificiellement le prix pour le consommateur final. Et de subventionner Ă  hauteur de 1.1 milliards les nouveaux projets d’énergie renouvelables.

40 fois moins, donc.

Cette proportion est-elle normale ? Ou souhaitable ? Non.

Nous avons besoin d’un dĂ©bat public beaucoup plus fort aujourd’hui sur la vitesse de la transition et sur l’utilisation de l’argent commun.

Imaginer flĂ©cher toutes les subventions vers des investissements durables est illusoire (et plutĂŽt dĂ©mago), et il n’y a pas d’interrupteur permettant de switcher les flux immĂ©diatement.

Pourtant les conclusions des rapports de la Banque Mondiale et de Pisani-Ferry sont trĂšs claires : il faut changer d’échelle dans le financement de la transition.

Étant donnĂ© leur ampleur, Ă©tant donnĂ© leur coĂ»t implicite, la rĂ©orientation des subventions nĂ©fastes doit ĂȘtre une prioritĂ© des politiques publiques.

C’est un des chemins à suivre pour passer du monde d’hier au monde de demain.

Gaël & Jean-Marc


C'est la fin de cette Ă©dition avec un angle plus "macro-Ă©conomique".
On a bien aimĂ© se plonger dans ces rapports. Dis-nous ce que tu en as pensĂ© ci-dessous 👇.

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On se retrouve la semaine prochaine pour une nouvelle Ă©dition.

PS : Toutes les éditions précédentes sont dispos ici. Elles sont rangées par grand thÚme pour que tu puisses t'y retrouver facilement.

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GaĂ«l 🌳