Hello les Ăpinards đł !
Aujourdâhui, on va prendre un pas de recul par rapport Ă nos analyses habituelles sur les secteurs qui feront la transition de demain et Ă nos sĂ©lections dâinvestissements Ă impact.
Pour aller vers un thĂšme plus macro : le financement mondial de la transition.
Un coût exorbitant, inabsorbable pour les finances publiques : pour les critiques, financer la transition à hauteur des estimations viendrait détruire notre capacité à innover ou à créer de la richesse et du progrÚs.
RĂ©cemment, un post nous a intriguĂ© tous les deux Ă quelques jours dâĂ©cart ; un message dâEva Sadoun (lâentrepreneuse derriĂšre Lita.co) qui relayait une Ă©tude de la Banque Mondiale sur lâimpact des subventions et analysait en dĂ©tail 3 secteurs : les Ă©nergies fossiles, lâagriculture et la pĂȘche.
La conclusion ?
Via les subventions publiques, on envoie collectivement un âpognon de dingueâ dans des activitĂ©s qui ruinent la planĂšte et ralentissent la transition.
Or le montant des subventions aux activités délétÚres est sensiblement équivalent aux besoins de financements pour la transition.
Du coup, comme on adore les grands rapports, les ordres de grandeur et les questions fondamentales (mais surtout, quâon vous aime tellement quâon veut vous Ă©pargner les 300 pages de la Banque Mondiale), on vous partage la synthĂšse de nos enseignements sur le sujet.
Vous allez voir, certains passages semblent plus proches dâun plaidoyer de Greenpeace ou dâun discours des SoulĂšvements de la Terre que de revendications des plus grandes institutions capitalistes mondiales. On a parfois Ă©carquillĂ© les yeux tellement on nâest pas habituĂ©. âïž
C'est parti !
La transition, combien ça coûte ?
En un mot : cher.
En 2 mots : bien cher.
Les estimations sont évidemment trÚs difficiles sur un périmÚtre aussi large, mais on a eu ces derniÚres années quelques tentatives de qualité.
đ Le dernier rapport du GIEC, par exemple, a proposĂ© une fourchette du coĂ»t Ă lâĂ©chelle mondiale, quâil situait entre 2 200 et 4 200 milliards de dollars par an.
Entre 2.3 et 4.4% du PIB mondial.
(On est plus sur une fourche quâune fourchette Ă ce stade.)
đ«đ· En France, un rapport rĂ©cent de Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz commandĂ© par le gouvernement a chiffrĂ© lâeffort pour tenir les objectifs europĂ©ens de rĂ©duction de gaz Ă effet de serre Ă horizon 2030 (-55% par rapport Ă 1990).
Résultat : 67 milliards par an, environ 2.5% du PIB français.
Ă titre de comparaison, le coĂ»t de la crise du Covid pour les finances publiques en France a Ă©tĂ© estimĂ© Ă 140 Milliards par le gouvernement = environ 2% du PIB par an sur la pĂ©riode 2020 - dĂ©but 2022. L'ordre de grandeur est proche : la transition, ce serait donc un grand âquoi quâil en coĂ»teâ permanent.
Les estimations, exprimĂ©es en % de PIB, sont assez cohĂ©rentes entre elles. Et sâaccompagnent toutes du mĂȘme commentaire : câest cher aujourdâhui, mais ce sera plus cher demain si on laisse sâĂ©chapper la possibilitĂ© de contenir le rĂ©chauffement climatique global Ă 1,5 - et surtout - Ă 2 degrĂ©s.
Subventions âbrunesâ vs. Transition âverteâ : les impĂŽts financent les Ă©nergies fossiles
« On dit qu'il n'y a pas d'argent pour le climat, mais il y en a, il est juste aux mauvais endroits. »
Axel van Trotsenburg, directeur gĂ©nĂ©ral senior de la Banque mondiale - qui nâa pas dĂ» se faire que des copains dans ce rapport.
LâĂ©tude de la Banque Mondiale, mentionnĂ©e par Eva Sadoun, liste et estime les montants des subventions publiques aux activitĂ©s les plus polluantes ou destructrices de lâenvironnement : les subventions dites âbrunesâ.
3 secteurs étaient analysés :
- Les énergies fossiles (pétrole, gaz, charbon)
- Lâagriculture conventionnelle
- La pĂȘche intensive
Leur résultat ?
- 1 250 milliards de $ par an en dĂ©penses publiques directes : lâargent des gouvernements
- 7 250 Ă 12 050 milliards de $ par an, si on y ajoute les subventions âimplicitesâ (par exemple les coĂ»ts pour dĂ©polluer, les dĂ©penses de santĂ© induites par la pollution atmosphĂ©rique ou pour limiter les effets du changement climatique)
Subventions vs Coût de la transition : déshabiller Paul pour habiller Jacques ?
Le résultat est marquant, car il place le coût de la transition dans la fourchette des subventions existantes.
Il laisse Ă penser que lâargent est dĂ©jĂ lĂ ; quâil suffirait de le flĂ©cher diffĂ©remment.
Pas besoin de ânouvel argentâ, vraiment ?
« Si nous pouvions réutiliser les milliers de milliards de dollars dépensés en subventions inutiles et s'en servir à des fins meilleures et plus vertes, nous pourrions relever bon nombre des défis les plus urgents de la planÚte. »
Toujours Axel, Ă©pisode 2
Pas faux, mĂȘme si ce nâest pas (si) simple.
Pour sâen convaincre, il est utile de regarder ce qui se cache derriĂšre les âsubventionsâ.
- Dans le cas du pétrole, du gaz et du charbon, ce sont principalement des aides qui ont servi à abaisser artificiellement le prix pour le consommateur final.
- Dans lâagriculture, il y a des subventions aux intrants, mais lĂ aussi, une large partie permet de soutenir les cours de certains produits agricoles.
Câest une rĂ©alitĂ© : nos sociĂ©tĂ©s, dĂ©pendantes de ces produits, ont besoin dâĂȘtre protĂ©gĂ©es de la volatilitĂ© des cours sous risque dâembrasement social.
On peut contester le montant du bouclier tarifaire sur les prix de lâĂ©lectricitĂ© et du gaz (plusieurs dizaines de milliards par an, on y revient), mais il Ă©tait socialement inacceptable de ne pas le mettre en place - mĂȘme si c'Ă©tait pour financer au mĂȘme moment et dans les mĂȘmes proportions des parcs Ă©oliens ou solaires.
Le montant des subventions illustre un fléchage insuffisant.
Si nous sommes condamnés à court terme à subventionner les énergies fossiles, ce sont le montant et la vitesse de réallocation des subventions qui posent question.
La France est d'ailleurs un exemple hyper intéressant.
En 2023, les finances publiques prĂ©voient de financer Ă hauteur de 45 milliards dâeuros les Ă©nergies fossiles - via le âbouclier tarifaireâ qui limite artificiellement le prix pour le consommateur final. Et de subventionner Ă hauteur de 1.1 milliards les nouveaux projets dâĂ©nergie renouvelables.
40 fois moins, donc.
Cette proportion est-elle normale ? Ou souhaitable ? Non.
Nous avons besoin dâun dĂ©bat public beaucoup plus fort aujourdâhui sur la vitesse de la transition et sur lâutilisation de lâargent commun.
Imaginer flĂ©cher toutes les subventions vers des investissements durables est illusoire (et plutĂŽt dĂ©mago), et il nây a pas dâinterrupteur permettant de switcher les flux immĂ©diatement.
Pourtant les conclusions des rapports de la Banque Mondiale et de Pisani-Ferry sont trĂšs claires : il faut changer dâĂ©chelle dans le financement de la transition.
Ătant donnĂ© leur ampleur, Ă©tant donnĂ© leur coĂ»t implicite, la rĂ©orientation des subventions nĂ©fastes doit ĂȘtre une prioritĂ© des politiques publiques.
Câest un des chemins Ă suivre pour passer du monde dâhier au monde de demain.
Gaël & Jean-Marc
C'est la fin de cette Ă©dition avec un angle plus "macro-Ă©conomique".
On a bien aimĂ© se plonger dans ces rapports. Dis-nous ce que tu en as pensĂ© ci-dessous đ.
Et toi, est-ce que tu as aimé cette édition ?
Pas Vraiment | Un peu | PlutĂŽt | Beaucoup | ĂnormĂ©ment
On se retrouve la semaine prochaine pour une nouvelle Ă©dition.
PS : Toutes les éditions précédentes sont dispos ici. Elles sont rangées par grand thÚme pour que tu puisses t'y retrouver facilement.