Hello les Ăpinards đ
Aujourdâhui, une fois nâest pas coutume, on parle âvoitureâ dans Ăpinard đł (jâallais Ă©crire âbagnoleâ, je me suis retenu).
On en parle pour la bonne cause : celle du transport bas carbone.
Avec un thĂšme qui sent lâhuile moteur, la clĂ© Allen et les bidouillages de garage (et qui est trĂšs sĂ©rieux) : le rĂ©trofit.
Ce que tu vas apprendre aujourdâhui :
- Comment le ârĂ©trofitâ permet de transformer un vĂ©hicule thermique en vĂ©hicule Ă©lectrique
- Pourquoi il va compter dans la transition vers un transport bas carbone en France
- Comment tu peux financer le dĂ©veloppement du secteur et surveiller les opportunitĂ©s dâinvestissement
đïž Mais avant de commencer, jâai besoin de toi.
De plus en plus dâabonnĂ©s me sollicitent pour savoir comment placer leur Ă©pargne et investir de façon responsable. En prenant en compte leur situation perso et en alliant climat & rendement.
Jâaimerais comprendre si câest un souci partagĂ© par beaucoup dâentre vous et voir comment je peux aider lĂ -dessus.
Si tu te sens concernĂ© et que tu as 35 secondes (oui jâai chronomĂ©trĂ©) pour rĂ©pondre Ă 3 questions, peux-tu le faire ici ? đ
Allez, vroom đ !
GaĂ«l đł
đ Le rĂ©trofit, câest quoi ?
Câest la transformation dâun vĂ©hicule thermique en un vĂ©hicule Ă©lectrique.
MĂȘme sâil est peu connu, le principe est assez simple : on enlĂšve le moteur thermique et le rĂ©servoir dâun vĂ©hicule qui fonctionne au diesel ou Ă lâessence et on le remplace par une batterie et des moteurs Ă©lectriques.
Le principe est simple mais lâexĂ©cution est un peu compliquĂ©e et demande plus quâun savoir-faire de garagiste du dimanche - surtout si lâon veut sâassurer de performances fiables et stables dans le temps.
Aujourdâhui, le rĂ©trofit est rare ; câest une opĂ©ration qui est souvent rĂ©alisĂ©e pour des voitures vintage, de collection.
Mais il monte en puissance ces derniĂšres annĂ©es, portĂ© par lâessor du vĂ©hicule Ă©lectrique (lâidĂ©e de rouler Ă lâĂ©lectrique fait moins peur, les infrastructures de recharge sont plus denses et efficaces) et par quelques boosts rĂ©glementaires dont on va parler un peu plus loin.
đĂconomie : Pourquoi le rĂ©trofit peut dĂ©coller
La lutte contre le dĂ©rĂšglement climatique pousse Ă lâĂ©lectrification des vĂ©hicules
Le transport, câest environ 30% des Ă©missions de gaz Ă effet de serre en France. Et parmi ces Ă©missions, on en a Ă peu prĂšs la moitiĂ© pour la voiture individuelle.
Aujourdâhui, il y a peu de signes dâune diminution de lâusage de la voiture et donc de la diminution de la consommation de carburants - mĂȘme si les moteurs sont plus efficaces quâavant, on roule plus quâil y a 30 ans. Câest un peu le paradoxe de Jevons : plus une technologie est efficace dans son utilisation de ressources, plus on lâutilise et plus on augmente parfois la consommation de ressources !
Câest ce qui fait que du point de vue climatique, la transition du parc automobile vers lâĂ©lectrique est un impĂ©ratif. Et plutĂŽt Ă court terme.
(Ăa pose plein d'autres questions du point de vue de lâaccĂšs aux mĂ©taux et Ă certaines ressources rares, mais câest moins lâobjet de lâanalyse ici)
Ce qui est certain, câest que la France a un objectif de -55% dâĂ©missions de gaz Ă effet de serre en 2030 par rapport Ă 1990 et quâon nâest pas spĂ©cialement en avance. On est aujourdâhui Ă -25% environ, ce qui veut dire quâil reste 8 ans pour faire la moitiĂ© restante du chemin.
Il sera impossible d'y arriver sans toucher à nos véhicules !
Les mesures antipollution en rajoutent une couche
Dans le mĂȘme temps, les zones Ă faibles Ă©missions se gĂ©nĂ©ralisent (prĂšs de 50 sont prĂ©vues dâici 2025), portĂ©es par des considĂ©rations de santĂ© publique et appuyĂ©es par les impĂ©ratifs de la transition.
Elles poussent les particuliers et professionnels Ă sâĂ©quiper diffĂ©remment et Ă troquer leurs vĂ©hicules les plus polluants pour des alternatives plus propres sâils veulent continuer Ă circuler librement.
LâĂ©lectrification va se faire sous tension
Dans le mĂȘme temps, le cadre rĂ©glementaire se tend chez les constructeurs. Lâinterdiction de vente de vĂ©hicules thermiques neufs a Ă©tĂ© votĂ©e pour 2035 par la Commission EuropĂ©enne, et mĂȘme si la deadline venait Ă sâallonger, 2035 ou 2040, ça reste demain.
Les constructeurs ont accĂ©lĂ©rĂ© leur production, gamme par gamme, mais il est probable que les cadences de production soient difficiles Ă tenir pour produire assez de vĂ©hicules neufs Ă©lectriques. Certains experts estiment dâailleurs que nous sommes dĂ©jĂ dans une situation de dĂ©sĂ©quilibre offre/demande.
La majoritĂ© des vĂ©hicules nâont pas besoin dâĂȘtre remplacĂ©s
Ce qui semble dingue quand on parle âĂ©lectrification du parc automobileâ, câest quâon parle tout de suite de remplacement intĂ©gral !
Un véhicule thermique à la casse = un véhicule neuf pour le suppléer.
On a 40 millions de vĂ©hicules aujourdâhui en France. Ils ont en moyenne 11 ans, et une voiture qui part Ă la casse en a gĂ©nĂ©ralement 20.
Avec cette logique, électrifier notre parc automobile reviendrait à remplir nos casses de véhicules capables de rouler encore au moins 10 ans de plus.
Le rétrofit peut se faire à un coût compétitif.
LâADEME sâest penchĂ©e sur le sujet car le cadre rĂ©glementaire venait de changer et ouvrait la porte Ă un marchĂ© du rĂ©trofit (on en parle plus bas).
Dans une Ă©tude en 2021, âConditions nĂ©cessaires Ă un rĂ©trofit Ă©conome, sĂ»r et bĂ©nĂ©fique pour lâenvironnementâ, lâAgence de la Transition Ecologique a estimĂ© lâimpact financier de rĂ©trofitter une petite voiture, une fourgonnette, un camion ou un autobus.
Quand mĂȘme : câest assez fou de voir la qualitĂ© de leur analyse sur un marchĂ© aussi naissant, aussi restreint.đ
Lâagence avait analysĂ© pour cela le TCO (Total Cost of Ownership), qui est un indicateur complet prenant en compte l'ensemble des coĂ»ts (maintenance, assurance, carburant etc).
RĂ©sultat : le coĂ»t total par kilomĂštre du scĂ©nario ârĂ©trofitâ Ă©tait toujours infĂ©rieur Ă celui du scĂ©nario âje rachĂšte un vĂ©hicule Ă©lectrique neufâ, entre -5% et -15%.
Assez hallucinant alors que le marchĂ© nâa que quelques annĂ©es Ă peine, et que les optimisations de coĂ»ts sont encore minimes !
(Un bĂ©mol pour les citadines : aujourdâhui, lâopĂ©ration nâest pas rentable, entre autres parce que les marges des constructeurs - et donc les coĂ»ts de remplacement pour les particuliers - sont plus faibles)
Alors, le rétrofit, ça coûte combien ?
La réponse est trÚs variable selon le type de véhicule, qui conditionne la puissance de la batterie. Quelques ordres de grandeur, en incluant la marge du rétrofitteur :
- Une citadine (une Clio par ex.) : 20 000 - 25 000⏠(proche du neuf)
- Un fourgon équipé (ex : Renault Master) : 35 000 - 45 000⏠(vs. 55 000⏠neuf)
Bref, ce nâest pas indĂ©cent de poser la question : Est-ce quâon nâest pas en train dâorganiser un Ă©norme gĂąchis ? Pourquoi changer tout le vĂ©hicule si on peut ne changer que le moteur ?
En tout cas, ça semble ĂȘtre une opportunitĂ© de rĂ©duire les coĂ»ts du passage Ă lâĂ©lectrique.
đClimat : Le ârĂ©trofitâ bonne idĂ©e ou greenwashing?
La rĂ©ponse courte, câest non !
Quand on questionne les gains environnementaux du rĂ©trofit, on est bien servi par lâĂ©tude de lâADEME de 2021 (toujours la mĂȘme !).
Pour 4 catĂ©gories (les voitures citadines, les fourgons, les poids lourds et les autobus), ils ont simulĂ© 3 hypothĂšses en imaginant que le vĂ©hicule avait 10 ans et quâil lui en restait autant Ă vivre :
- Le statut quo : On garde le vĂ©hicule en lâĂ©tat et il roule encore 10 ans au diesel
- Le rachat : On envoie le véhicule à la casse et on le remplace par son équivalent électrique
- Le rétrofit : On garde le véhicule et on le transforme en électrique
Résultat des courses : les gains environnementaux sont énormes comparés au remplacement par un véhicule électrique neuf :
- -37% pour les poids lourds et autobus (qui roulent beaucoup)
- -47% pour les citadines
- 56% pour les fourgons.
Ils sont encore plus Ă©normes si on compare au maintien du diesel (ou de lâessence, ça nâaurait pas changĂ© grand-chose) ; mais câest une comparaison qui a peut-ĂȘtre moins de sens si on sâaccorde sur le fait quâil va falloir Ă©lectrifier le parc et que le maintien de millions de vĂ©hicules diesel roulant 10 000km par an nâest pas une hyper bonne idĂ©e.
Les gains sont certainement encore plus massifs si on intĂšgre le fait que la durĂ©e de vie du vĂ©hicule pourrait ĂȘtre Ă©tendue (option que lâADEME nâa pas retenue dans son Ă©tude).
đ€Le dĂ©collage, on y croit ?
Prometteur économiquement, efficace du point de vue climatique, le rétrofit va-t-il décoller ?
Ce qui est certain, câest que les barriĂšres se lĂšvent (et elles se lĂšvent plutĂŽt vite) :
- La barriĂšre rĂ©glementaire dâabord : avant 2020, il fallait que chaque vĂ©hicule rĂ©trofittĂ© soit homologuĂ© individuellement aprĂšs de longues dĂ©marches - un enfer. DĂ©sormais, les acteurs peuvent obtenir des homologations pour un modĂšle de vĂ©hicule (câest le cas de TOLV par exemple, avec son kit homologuĂ© pour le Renault Traffic, une premiĂšre pour un utilitaire en France). Cela permet de passer Ă lâĂ©chelle, et ça change tout.
- La barriĂšre de la confidentialitĂ© ensuite : en 2022, Bruno Le Maire est venu donner un coup de projecteur en annonçant un soutien gouvernemental de 20 millions dâeuros pour aider la filiĂšre Ă passer Ă lâĂ©chelle. Le montant est faible, mais le secteur est petit et câest plus le signe politique qui importe.
Tout nâest pas rose pour le ârĂ©trofitâ pour autant :
- Les procĂ©dures dâhomologation restent lourdes : câĂ©tait dâailleurs un point soulevĂ© par lâADEME en conclusion de son Ă©tude il y a 2 ans. En consĂ©quence, encore peu d'entreprises ont rĂ©ussi.
- Les acteurs restent des jeunes entreprises avec peu dâexpĂ©rience dans le passage Ă lâĂ©chelle industrielle - mĂȘme si parfois, elles ont des partenaires.
Or, le dĂ©ploiement massif du rĂ©trofit passera par une capacitĂ© Ă baisser le coĂ»t unitaire. Lâenjeu : ĂȘtre compĂ©titif par rapport au maintien de lâessence ou du diesel pour des vĂ©hicules roulant 10 000km par an.
Cependant, il est rare de voir autant de fondamentaux climatiques et Ă©conomiques se rejoindre lorsquâon analyse un marchĂ©, et câest plutĂŽt excitant !
đ”Peut-on investir dans le rĂ©trofit ?
Le rĂ©trofit est un marchĂ© naissant, encore assez confidentiel. Autant vous dire quâil nây a pas dâETF spĂ©cialisĂ© ou de âfonds RĂ©trofitâ chez Amundi ! (Jâai cherchĂ© quand mĂȘme, on ne sait jamais đ ).
Pour investir en tant que particulier, il faut attendre des opportunitĂ©s auprĂšs de certaines start-ups du secteur : achat dâactions, dâobligations (des crĂ©ances auprĂšs de lâentreprise) ou dâobligations convertibles (un intermĂ©diaire entre les deux) .
Cela peut se faire en guettant les opportunités sur les plateformes de crowdfunding, ou en suivant les entreprises directement sur Linkedin.
Je vous propose en quelques unes ici :
- Rev Mobilities - qui regroupe 3 pĂŽles : voitures anciennes, utilitaires et autobus/camions
- TOLV - qui sâintĂ©resse aux utilitaires exclusivement
- Lormauto - qui fait partie des rares Ă sâintĂ©resser aux citadines
[Spoiler] Lâune dâentre elles, TOLV, est en cours de (prĂ©)levĂ©e de fonds sur Lita.co et fera lâobjet dâune analyse dĂ©diĂ©e dans le âCoup de đ Epinardâ la semaine prochaine - accessible Ă tous les abonnĂ©s Epinard Premium. đł
Stay tuned!
PS : Toutes les éditions précédentes sont dispos ici. Elles sont rangées par grand thÚme pour que tu puisses t'y retrouver facilement.